Vol. 18 No 18 (2022): Revue Scientifique et Technique Forêt et Environnement du Bassin du Congo Volume 18
Editorial du Dr. Jean-Claude Nguinguiri
Le bassin du Congo est en voie de devenir le dernier grand puits de carbone de fors tropicales de la plane, cause des tendances observs remment dans la dradation des fors tropicales en Amazonie[1] et en Asie du Sud-Est. Il est donc opportun de sauver le dernier poumon du monde, si je peux emprunter le titre du documentaire de Yamina Benguigui[2]. A cet effet, les pays de la sous-rion ont saisi les diffentes opportunit qui se sont prents en 2021 pour faire du plaidoyer en faveur dun financement extieur plus consuent de la gestion durable de ce biome forestier unique[3]. Les nouvelles actions de plaidoyer se distinguent des actions prentes par un style d'accroche qui devrait interpeller, non seulement les principaux destinataires du message, savoir la communautinternationale, mais aussi les autres parties prenantes, comme ceux de la recherche et de la formation qui nous concernent ici.
Lolution de la rhorique dans les discours politiques apparait nettement dans lapproche privili par la dation de la Rublique docratique du Congo (RDC) qui avait fait du slogan la RDC, pays-solution , son mantra la COP26 de la CCNUCC qui a eu lieu Glasgow du 31 octobre au 13 novembre 2021. Ce slogan ne doit rien au hasard. Le caracte de pays solution a dendu en invoquant limportant massif forestier quabrite la RDC ainsi que les tourbies de la Cuvette Centrale, son potentiel ergique reprentpar le dense reau hydrographique, mais aussi sa richesse en minerais stratiques indispensables la transition ologique. Cette formule choc sinspire dun concept remment popularis celui des solutions fonds sur la nature [4] pour faire face au changement climatique et d'autres dis de soci tels que les objectifs de deloppement durable. Cette darche nest pas propre la RDC; elle a au centre des actions de plaidoyer mens en septembre 2021 au Congr Mondial de la Nature par la COMIFAC, ses pays membres et partenaires qui ont appella communautinternationale une coordination des actions pour un flux financier aduat pour la prervation des osystes et tourbies du Bassin du Congo, en tant que solution rentable fond sur la nature[5]. En ce qui concerne les tourbies de la Cuvette Centrale en particulier, celles-ci sont souvent prents comme une solution fond sur la nature[6]. Elles sendent en RDC et en Rublique du Congo sur 145 000 kilomres carr et constituent la plus grande endue de tourbies dans les tropiques. Elles reprentent ainsi lun des osystes les plus riches en carbone de la plane et pient 30 milliards de tonnes de carbone[7]. Ces efforts de plaidoyer nont pas infructueux; la COP 26 de la CCNUCC, un groupe de 12 donateurs internationaux sest engagapporter une contribution financie sevant au moins 1,5 milliard de dollars sur les quatre prochaines anns pour soutenir la protection et la gestion durable des fors du bassin du Congo.
Le fait de reconnaitre que les fors du bassin du Congo sont au cur des solutions fonds sur la nature ne devrait pas nous faire perdre de vue un autre aspect essentiel, celui de lopationnalisation de ce concept, en gal, et de son opationnalisation dans le secteur forestier, en particulier. Cette question a abord lors de la session consacr au re des fors et des arbres pendant le XXV Congr mondial de l'IUFRO, Curitiba au Bril du 29 Septembre au 5 Octobre 2019 et aussi bien dautres occasions. En dit de la volontpolitique, lopationnalisation de ce concept demeure un processus inachev Il est donc urgent de sinterroger sur lopationnalisation de ce concept dans le contexte du bassin du Congo, en gal, et lapport entuel de la recherche et de la formation, ou mieux des institutions membres du RIFFEAC, en particulier. En ce qui concerne la recherche, une telle rlexion a diniti par ailleurs, notamment par le Collectif de ministres de l'environnement et de chercheurs pour la dense du bassin du Congo[8]. Le RIFFEAC, en tant que partenaire technique de la COMIFAC, ne devrait pas rester en marge de cette nouvelle dynamique. Tout en faisant sienne les conclusions du Collectif de ministres de l'environnement et de chercheurs pour la dense du bassin du Congo, sa contribution pourrait sarticuler autour de trois piliers complentaires:
- Le premier pilier renvoie la production des donns pour venir bout du ventre mou de lAfrique centrale. En effet, lAfrique centrale a lune des deux seules rions du monde ne pas disposer de donns suffisantes pour permettre au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'olution du climat (GIEC) daluer les tendances passs en matie de chaleur extre en 2021. Le RIFFEAC est ses institutions membres ont la possibilitde jouer leur partition ici aux c dautres institutions de recherche et de formation universitaires.
- Le second pilier a trait au deloppement des produits normatifs qui font daut pour lopationnalisation du concept de solutions fonds sur la nature dans les politiques, straties et programmes nationaux. En collaboration avec la COMIFAC, le RIFFEAC pourrait aider produire des lignes directrices de la COMIFAC.
- Le troisie pilier se rapporte linnovation, en mettant au point des techniques agro-foresties durables en vue de contribuer la transition vers des approches agro-ologiques et oforesties de production et dexploitation des ressources plus respectueuses de l'environnement pour lutter contre la dorestation caus par lagriculture itinante sur-brulis, le bois ergie, les plantations agro-industrielles, lexploitation forestie, lurbanisation et promouvoir lonomie circulaire.
Les articles publi dans ce volume de la Revue Scientifique et Technique For et Environnement du Bassin du Congo montrent que les institutions membres du RIFFEAC participent dde manie disparate aux piliers ci-dessus um. Le positionnement du RIFFEAC dans cette nouvelle dynamique, avec une stratie claire et un plan daction rliste, est le premier di relever. Le RIFFEAC a un avantage comparatif certain sur lequel il peut sappuyer pour jouer sa partition avec succ.
[1] Gatti, L.V., Basso, L.S., Miller, J.B. et al. Amazonia as a carbon source linked to deforestation and climate change. Nature 595, 388393 (2021). https://doi.org/10.1038/s41586-021-03629-6
[2] "Le Dernier Poumon du Monde" de Yamina Benguigui (France), documentaire projetdans la section "Canal+ fait son cina" du festival du Film Francophone d'Angoule 2019.
[3] Entre 2008 et 2017, le bassin du Congo na re que 11 % des flux financiers internationaux destin la protection et la gestion durable des fors dans les zones tropicales, contre 55 % pour lAsie du Sud-Est et 34 % pour lAmazonie (https://www.jeuneafrique.com/1258572/societe/cop-26-150-millions-de-dollars-pour-le-bassin-du-congo/).
[4] Le concept de solutions fonds sur la nature a introduit la fin des anns 2000 par la Banque mondiale et l'UICN pour souligner l'importance de la conservation de la biodiversitpour l'attuation et l'adaptation au changement climatique. Ce concept a fait l'objet d'une grande attention lors de la COP 25 de la CCNUCC, tenue Madrid en dembre 2019, apr la demande du Secraire gal des Nations Unies daccorder plus dint politique sur le pouvoir des solutions fonds sur la nature pour lutter contre le changement climatique, faite pendant le Sommet des Nations Unies sur l'action pour le climat tenu le 23 septembre 2019.
[5] https://pfbc-cbfp.org/actualites-partenaires/Voix-BC.html
[6] Les tourbies, une formidable solution fond sur la nature , est lintituldun panel qui sest tenu le 5 juillet 2021 avec la facilitation du CIFOR.
[7] Dargie, G. C., Lewis, S. L., Lawson, I. T., Mitchard, E. T., Page, S. E., Bocko, Y. E., & Ifo, S. A. (2017). Age, extent and carbon storage of the central Congo basin peatland complex. Nature, 542(7639), 86-90. doi:10.1038/nature21048
[8] Les conclusions ont publis par Jeune Afrique le 30 octobre 2021. https://www.jeuneafrique.com/1258572/societe/cop-26-150-millions-de-dollars-pour-le-bassin-du-congo/